Jugements sur l’œuvre

 ” Ces qualités de profondeur, d’humanité, de dépouillement, de poésie silencieuse, sont celles-là mêmes qui caractérisent les œuvres de Ruggero Pazzi. Qu’il taille la pierre ou le bois, voici que les formes prennent une sensuelle douceur dans les pleins, les rondes-bosses, et que la main s’attarde sur elles, ou glisse dans un creux ou passe sur un plan sobre que scie une arête vive ; voici que les volumes s’appuient les uns contre les autres comme pour mieux se serrer, se souder, dans un mouvement convergent jailli des oppositions de rythmes, et que l’ensemble révèle une subtile harmonie, cette harmonie signe majeur de l’art. “ 

— Henry Galy-Carles, « Ruggero Pazzi », galerie Marie-France Bourély, Paris, 1974

” Épris de synthèse et de netteté, il (Pazzi) se libère aussitôt de toute référence à l’image évidente pour concevoir une structure dépouillée, concentrée sur l’interaction de deux éléments s’accolant ou semblant se chevaucher en suscitant un faisceau de tensions, de flexions, d’angles, appuyés sur une articulation de caractère géométrique. Sans jamais négliger les lois de l’équilibre, il construit une forme dense, saine, cassée par des rythmes brefs, modulant son langage par la ligne sobre qui s’infléchit, une savante alternance des pleins et des vides par de longues arêtes qui scindent les volumes. “ 

— Gérard Xuriguera, « Pazzi, portrait d’un sculpteur » dans Cimaise no 145, Paris, janvier 1980.

” Il aime les proportions, il se plait, jour à jour, à fortifier une épine dorsale ; il aime les contrastes de grains, que pardessus tout la mesure soit celle de deux volumes soudés, l’un à l’autre, qui s’articulent et font contrepoids. Tel volume arrache, de sa hanche, un alter-ego. Il le tient en suspens (…) Il conçoit ses volumes pareils à des corps formels. Or, ces corps, renflés à l’arête, sont aussi arrimés que des vaisseaux serrés à une bitte d’amarrage. Trapus à leur base, ils paraissent devoir pivoter à seule fin de s’alléger. Pas trop, toutefois, car ils participent d’un monde non figuratif, en d’autres termes d’un réalisme déserté. “ 

— Lucien Curzi, Pazzi, Éditions Nuovastampa, Poggibonsi, 1982.

” Ses hautes exigences, son expression dense et rigoureuse, son sens du matériau qui le conduit à tirer le meilleur parti de la masse en soi en l’exaltant, toutes ces indéniables qualités forcent l’attention. Sa silencieuse retenue au cœur d’un puissant élan, l’élégance de son rythme aux cadences souples et assurées, l’austère volonté de grandeur sous un discret effacement, attachent autant le regard que l’esprit.”

— Gaston Diehl, Le Latina, Paris 1986

” Pazzi crée dans la pierre d’admirables volumes, massifs, d’une grande présence dans leur simplicité, la sobriété de leurs formes pures. En général deux blocs les constituent, superposés. Tout l’art de Pazzi est dans le choix auquel il s’arrête, au tout dernier moment, je l’imagine, en ce qui concerne le contour définitif de ces masses, l’allure de leurs arêtes, la courbure, le galbe de leur surface et, c’est essentiel, le rapport qu’elle entretiennent entre elles. Leur léger décalage, leur compénétration partielle, tel est le thème plastique majeur de Ruggero Pazzi qui les soude comme sont accolés deux cristaux qui ensemble font ce qu’on appelle une macle. “ 

— Henri Raynal Pazzi, dans la revue « Arts PTT », décembre 1986, texte repris dans La Double Origine, Éditions-galerie Michèle Heyraud, décembre 1996.

” Son admiration pour Matisse se traduit par la simplicité et la fermeté du trait qui tient une place essentielle autant dans ses dessins que dans ses sculptures. Dans l’œuvre de la collection du Frac Île-de-France, la pureté de la ligne et du volume est visible par le mélange de courbes et de droites qu’assemblent une partie supérieure concave, ouverte, et une partie basse faite d’un bloc ; les deux forment une masse bien définie où la froideur du granit s’oppose aux arrondis des deux volumes emboîtés. La matière se révèle être la représentante fidèle et indissociable de l’idée créatrice de Pazzi, le prolongement concret de son univers intellectuel. “ 

— Alexandrine Achille, Œuvres de la collection du FRAC Île-de-France, Parc culturel de Rentilly, 2010.

” Tailler le marbre ou le granit, pour Pazzi, c’est se confronter à l’énergie incluse, lui proposer une forme. C’est en traduire clairement les mouvements enfouis et faire en sorte qu’un équilibre se réalise entre eux. C’est obtenir des forces internes qu’elles produisent, en s’épanouissant, d’amples surfaces dont demeurent sobres pourtant le galbe, la courbure, des volumes et des plans nets, judicieusement articulés. La juste tension entre l’intérieur et l’extérieur, entre l’opacité cachée et la lumière du dehors, conférera à l’œuvre son allure, son maintien. La beauté de l’épiderme de la chair de pierre tient à une telle justesse. “

— Henri Raynal, Procurer contour, allocution prononcée lors de l’installation officielle d’une sculpture dans le parc de Montreau à Montreuil, mars 2014.

” Le sculpteur Ruggero Pazzi a pratiqué le dessin comme une activité parallèle à la sculpture. Il exerce les deux disciplines dans un recueillement et une humilité qui l’ont conduit assez naturellement au dépouillement. Aller à l’essentiel par un geste précis, d’une justesse infaillible acquise après un long apprentissage, est un acte de vérité.(…). Pour Pazzi, qui travaille dans la confidence, la tension de la ligne est mûrement réfléchie. Transposée dans sa sculpture en pierre aux arrêtes coupantes, elle écrit le volume (…) “ 

— Lydia Harambourg, « Ruggero Pazzi L’énergie d’un trait », dans La Gazette de l’Hôtel Drouot, no 35 octobre 2013.